Article mis à jour le : 30-09-2023
Analyse des dégâts subits par les navires français qui se trouvaient à Mers-El-Kébir lors de l'opération Catapult le 03 juillet 1940 - 2ème partie
Deuxième et dernière partie de cet article. La première partie se trouve ici.
La Bretagne était quatrième dans la liste des départs, dernier cuirassé, seul le transport d'Hydravions Commandant Teste était encore plus au fond, près de la sortie de la rade. A l'instar du Provence et du Strasbourg, les commandant Le Pivain décida de prendre les devants en constatant - de loin - la mascarade qui se déroulait sur le Dunkerque. Le Pivain refusait d'être pris en enfilade, son objectif était de larguer les amarres, sortir rapidement du port tout en serrant la jetée sur sa gauche pour ne pas gêner la sortie des unités rapides. Dans le même mouvement, il donna l'ordre à son officier de tir de viser et ouvrir le feu, dès que possible, le navire de ligne le plus à droite dans l'escadre ennemie.
Les amarres furent rapidement larguées, mais le navire n'ira pas plus loin et les tourelles ne bougeront pas. Atteint par 4 obus de 381mm, le bateau sera détruit sur place.
L'étude du cas de la Bretagne est assez problématique, car le rapport (voir ouvrage mentionné plus haut pour la Provence) est très succint, les sources rares, il m'a fallu chercher, compiler, et trier les sources, sur plusieurs années au hasard "des découvertes" et des rencontres. La plupart des informations techniques viennent des scaphandriers, car les marins de la Bretagne et surtout le commandant n'eurent que peu d'informations, sur ce thème, à partager, car les communications internes furent rapidement presques impossibles (voir plus bas).
Voici ci-dessous une photo d'une maquette (source SteelNavy) du maquettiste renommé Jim Baumann, représentant la Bretagne à la fin des années 20 (d'où quelques différences par rapport aux photos prises à MEK). J'ai noté les emplacements approximatifs des impacts des 4 obus de 381mm britanniques.
A 18H59, alors que les moteurs viennent justent d'être mis en route et les amarres larguées, la troisième salve britannique s'abat sur le port, le navire est atteint simulanément par deux obus. Une poignée de secondes s'écoule,et une explosion gigantesque se produit.
Ci-dessous, un morceau de plan du navire, montrant la zone de l'impact du premier obus. Il se situe à droite de la zone encadrée.
Un cliché de cette zone du navire, prise vers 1938-39 nous montre nettement cet endroit.
Le commandant Le Pivain apprend alors par son officier de tir que "les 340 sont inopérables", et bien que privé d'informations venant de l'arrière quant à la nature des dégâts, il comprend que le navire est dans une situation critique. Il va donc donner l'ordre d'échouer le bâtiment de toute urgence pour éviter sa perte et ne pas gêner la sortie des autres unités.
Sur le Strasbourg, le commandant Collinet note que la poupe de la Bretagne tremble alors que des corps et des débris métalliques de toutes sortes sont projetés en l'air et que la cheminée arrière crache un mélange de fumée rouge, de flammes et de vapeur.
Passons ensuite aux photos.
Tout d'abord, voici celle-ci que l'on légende souvent comme étant celle de l'explosion fatale :
Vous remarquerez la fumée importante donnant une idée d'une explosion gigantesque des soutes de 340.
La même photo sous un autre angle :
Maintenant, l'eau rentre par l'arrière à très grande vitesse. Une photo prise juste après l'explosion montre déja un léger enfoncement, la Bretagne est à droite, le Strasbourg en train de quitter son mouillage est lui à gauche :
Le commandant aurait donc décidé de mettre les moteurs en avant pour échouer la bâtiment (chose que l'on fera plus tard sur la Provence). Nouvelle photo, des plus intéressante :
Maintenant, analysons en détails la zone touchée, à quelques secondes d'intervalle :
On remarque plusieurs choses :
La Bretagne commence alors à être enveloppée rapidement par les flammes et la fumée, du mât arrière à la cheminée avant (on le voit sur une des photos plus haut dans cet article).
Les derniers instants du navire vus du Strasbourg :
Ces deux clichés nous montre que le cuirassé est toujours "intact"... La fumée de l'incendie du carburant en train de brûler ou celle sortant des cheminés sont toujours là...
Dans le blockaus, le commandant Le Pivain constate que le navire ne bouge pas. Il a donné l'ordre d'évacuation. A cause de la destruction des systèmes de communication et de la perte de l'énergie électrique, cet ordre n'attendra pas de nombreux postes de combats, condamnant des marins par centaines.
7 minutes après le premier impact, à 18H06, alors que le navire a atteint 40° de gîte à tribord et coule par l'arrière, deux obus touchent le navire au centre: un au niveau de le tourelle III de 340mm et l'autre au niveau du mât avant, mettant le feu à des munitions anti-aérienne stockées dans des casiers à proximité des canons (certainement ceux de 75mm). Le bateau est secoué par une nouvelle explosion, interne, et prend soudainement une gîte encore plus importante. Il chavire en une poignée de secondes.
Cette dernière photo est terrible : le cuirassé se couche, sa coque verte apparait. A l'avant, on voit des dizaines de marins sautant du navire.
Puis alors que la gîte atteint 80°, une explosion massive se produit, envelopant toute la zone d'un immense nuage de fumée. Quand celui-ci s'estompe, le navire a disparu, seule sa quille émerge à l'avant. La nature de cette dernière explosion est difficile à expliquer (le rapport du Commandant Teste mentionne que "la casemate centrale" du cuirassé a explosé) : on pourrait penser que les soutes de 340 de la tourelle centrale et celles de 138 ont explosés, mais elles furent retrouvées en relativement bon état (au regard de l'explosion) par les scaphandriers : les ponts et cloisons sont déformés voire en partie arrachés, mais toujours présents. Les scaphandriers mentionneront une brèche de 2 mètres par 5 de l'autre côté (babord) du navire ainsi que plusieurs petit trous, qui comme la brèche, ont leur boursouflure tournée vers l'extérieur. Mais surtout, à tribord, une importante brèche va de la chaufferie avant à la chaufferie arrière, dans laquelle le fond et le double fond sont arrachés par endroits. Cette dernière est certainement celle qui a entraîné le chavirage du cuirassé en quelques secondes. On peut imaginer que l'explosion de munitions, a, au lieu de pulvériser le milieu du navire, eu sa déflagration dirigée vers le haut et le bas du navire.
À partir du rapport des scaphandriers, voici à peu près comment la Bretagne repose sur le fond qui est "relativement dur" selon le document. Continuons de le citer pour mieux accompagner cette illustration : "Le navire porte sur le fond par le côté tribord et les tourelles, avec environ 28 degrés de bande. Les tourelles sont en place. Le toit de la tourelle I ne touche pas le fond. L'avant est à environ 22,5 mètres de profondeur, l'arrière à 28 mètres". Non visibles sur ce dessin sommaire détourné d'un jeu vidéo, il est probable que le tripode et le haut des superstructures se soient écrasés lors du chavirage, et se trouveraient donc à gauche de l'image si je les avais représentés.
Pour en finir avec la Bretagne, un dernier dessin sommaire représentant, sans la gîte, la situation du navire retourné. Je n'ai pas non plus représenté les dégâts qui sont décrits par des numéros, chaque fois en citant le rapport. Notons que ce schéma est approximatif, car certains documents affirment que l'arrière du navire est arrasé et touche le fond : il est donc possible, comme évoqué plus haut, que les tourelles IV et V de 340mm aient été éjectées ou détruites par l'explosion initiale.
"Il y a lieu de signaler que de nombreux hublots et sabords sont ouverts".
Le Mogador faisait partie du groupe de 6 contre-torpilleurs qui s'étaient engagés dans la passe pour sortir du port. Si 5 d'entre-eux réussiront, cela ne sera pas le cas du Mogador. En effet, alors qu'il est à la tête des 6 escorteurs, il est atteint par un seul obus, mais un obus de gros calibre (381mm) qui le touche à son extrême-arrière, faisant exploser les 16 grenades sous-marines de 250kg chacune, stockées sous le pont. Le navire ne coulera pas, et cela relèvera du miracle : un telle explosion coulera plusieurs destroyers durant la guerre.
Le fait que le Mogador ait survécu peut être attribué au fait qu'il s'agissait d'un gros navire pour sa catégorie (les alliés reclasseront d'ailleurs les contre-torpilleurs français en croiseur légers). Si la poupe du navire français est déchiquetée, qu'il n'y a plus de gouvernails, les hélices sont presques intactes, les machines aussi, et cela est dû au fait que la cloison blindée séparant la soute à munition des tourelles de 130mm de l'arrière du bâtiment a résisté à la déflagration!
Une photo d'une maquette de son jumeau la Volta (dans sa configuration à partir de fin 1940, donc très légèrement différente du Mogador) montre cette zone avec des mines sur le pont. A Mers-El-Kébir, il n'en portait pas, mais avait ses grenades sous-marines, qui elles étaient stockées sous le pont :
Après l'attaque : on remarque que les deux tourelles de 130 mm sont très endommagés :
Hélices presques intactes, mais plus de gouvernails et une ligne d'arbre faussée :
Ce navire, cinquième dans la liste des départs, est aussi un miraculé, puisqu'il était dans l'alignement des cuirassés, juste en arrière de la Bretagne. Il ne fut pourtant atteint par aucun coup direct ou indirect, mais juste par des éclats, et ne comptera pas de victimes. Le seul dégât notable, selon le rapport qui figure dans l'ouvrage "Le Béarn et le Commandant-Teste", est qu'un éclat important à endommagé le mât arrière, "qui devra être coupé par sécurité".
Le mât en question :
Avec cette petite partie sur le Commandant-Teste, s'achève la journée du 3 juillet 1940. Le bilan avec cette photo prise probablement juste après l'attaque :
Il est très rare de trouver des informations sur ces navires dans le contexte de Mers-El-Kébir.
Le 6 juillet, les anglais lancent une seconde attaque pour achever le Dunkerque, suite à la "fuite" (voir premier partie de l'article) mentionnant que le navire était en fait peu endommagé. Parce que l'amiral Sommerville l'a demandé afin d'épargner la vie des civils car le Dunkerque est échoué devant Saint-André, elle se fera par la voie des airs. Cependant, le Dunkerque ne sera pas touché... directement.
En effet, Gensoul, fidèle a ce qu'il fait depuis le début de l'histoire, a laissé le cuirassé sans protection : pas de filets pare-torpilles, la DCA légère n'est pas armée (la DCA lourde ne pouvait être utilisée faute d'alimentation électrique) car il veut montrer que le navire est abandonné, et laisse amarré à côté du navire des patrouilleurs chargés de grenades sous-marines, toutes armées...
Malgré le désastre de l'attaque du 3 juillet, la reconnaissance aérienne est toujours pitoyablement organisée, et c'est presque à la dernière minute que les français voient les avions britanniques armés de torpilles arriver. Enfin.. les entendent-ils, car il est 6H15 du matin, et le pont avant du Dunkerque est couvert d'hommes dormant à la belle étoile.
L'attaque aurait cependant pu être un fiasco : aucune des torpilles lancées par les avions des trois vagues successives ne permettra d'avoir un coup direct sur le Dunkerque, notamment parce que les têtes des torpilles étaient défaillantes. Cependant, cela ne sera pas suffisant pour éviter un nouveau drame :
Quelques minutes plus tard : une explosion gigantesque se produit, projetant débris et gerbes d'eau sur 100 mètres de hauteur. L'enquêtre déterminera que 14 des 44 grenades sous-marines du Terre-Neuve ont explosé (soit l'équivalent de 8 torpilles britanniques), car l'une d'entre-elles s'est déclenchée suite à la pression (le navire étant coulé).
Les dégâts sont considérables cette fois-ci : l'explosion, à environ 5 mètres de la coque du cuirassé, a tordu et déchiré la coque sur toute sa hauteur, délogeant et perforant toutes les plaques de blindage. Il est presque certain que si les soutes de 330mm n'avait pas été noyée par le commandant Seguin du Dunkerque à la vue de la première vague d'avions ennemis, elles auraient explosée entrainant la perte définitive du navire.
Les dégâts font que 20.000 tonnes d'eau s'invitèrent à bord du cuirassé, l'échouant un peu plus, entrainant une gîte de 5 degrés compensée par le système d'équilibrage du navire. L'explosion a également désaxé le télépointeur de l'artillerie principale, et l'eau a à présent envahie les salles des machines et plusieurs locaux importants du grand navire.
Le Terre-Neuve explosant :
Après l'attaque, le mât du navire dépasse hors de l'eau devant le Dunkerque très endommagé :
L'Esterel :
Après l'attaque du 6 juillet : Le Terre-Neuve coulé (1) tout comme l'Esterel (2) :
Les dégâts sur le Dunkerque, au niveau de la tourelle II de 330 mm : tout l'extérieur a été déchiqueté et les cloisons et ceintures blindées déformées :
Il est courant de lire certaines "légèretés" sur les forums ayant pour thème le domaine du naval et abordant le sujet de Mers-El-Kébir, des phrases dans ce style :
Je pense qu'il est intéressant de revenir sur ces points et de les clarifier.
Tout d'abord la question du fait que nos navires n'ont pas eu de chance : cette constatation est sujette à discussion dans la mesure où 1297 marins ont perdu la vie...
D'un autre côté, le Commandant-Teste s'en est sorti presque intact, le Mogador est un miraculé, la Provence n'a pas été loin de subir le même sort que son jumeau la Bretagne, le Strasbourg s'en est sorti avec un morceau de béton dans la cheminée.
Ensuite, en ce qui concerne une lutte en pleine mer, à mon humble opinion, ne faut pas se leurrer, cela aurait tourné encore plus au désastre pour la Marine Nationale.
En effet, comme mentionné plus haut, aucun des navires français n'avait été conçu pour résister aux obus de leurs adversaires du jour. Un combat en pleine mer aurait entrainé la perte de tous les navires français avec des pertes en vies humaines encore plus nombreuses. La seule alternative, aurait été de laisser la Bretagne et la Provence échouées dans le port, et que le Dunkerque et le Strasbourg s'échappent à pleine vitesse. Un combat aurait été impensable, à moins que les sous-marins arrivent d'Oran.
C'est sûr ce point que Churchill a été très fort : il a pris quasiment zéro risque pour son escadre en la faisant attaquer des navires inférieurs, coincés dans une zone étroite, sachant pertinamment que les français avaient désactivé presque toutes leurs détenses, y compris aériennes. Et l'on pourrait facilement croire l'Amiral Sommerville quand, dans une lettre à sa femme, il disait avoir manqué d'agressivité : les dégâts auraient pu être bien plus importants le 3 juillet*. En ce sens, pour les anglais, le seul risque de l'opération Catapult, était que la France rejoigne le camp de l'Axe, mais c'est une autre histoire.
*Ces faits seraient confirmés par deux éléments. Le premier, un témoignage de l'Amiral Philippe De Gaulle, qui expliqua qu'après guerre des officiers britanniques qui ont participé à l'opération lui ont affirmé que le but était pour eux de faire leur travail a minima, afin de gêner la flotte française avec le moins de dégâts possibles. Le second, serait une analyse de la situation : le bombardement a été très court, et Somerville, rapidement informé (visuellement depuis ses navires, puis par des avions), de la sortie du Strasbourg, a mis énormément de temps à réagir avant de se mettre à sa poursuite. Churchill lui reprochera fortement son manque d'agressivité.
Aujourd'hui, qu'il s'agisse de la base ou des navires, que reste-il?
Le cimetière militaire à flanc de colline où avaient été inhumées les victimes se vit ajouter un ossuaire suite au démentèlement de la Bretagne (voir plus loin), et le mât det l'Esterel (le Terre-Neuve selon certaines sources) fut érigé devant un cénotaphe. Entretenu par le souvenir français, il était encore en excellent état à la fin des années 60, avant d'être saccagé - comme la plupart des petits cimetières hérités de la présence française - durant la décennie noire de la guerre civile algérienne.
La base, nous l'avons dit, était l'objet d'importants travaux, initiés à la fin des années 30 sous l'impulsion de l'amiral Darlan qui voulait industrialiser l'Afrique du Nord et et avoir une base navale supplémentaire d'envergure, en plus de Toulon, en Méditérannée, Bizerte étant trop étroite. Les travaux visaient donc à doter la base de tout ce qu'avait Toulon : cales sèches capables d'acceuillir des grands navires, jetées assez longues pour protéger des vagues l'intérieur de la rade, dépôts de carburant, docks flottants, bunker, PC enterrés...
Ils furent donc commencés la veille de la guerre, avec pour principal maître d'oeuvre la société Schneider. Celle-ci continua les travaux malgré la guerre, bien que fortement ralentis évidemment par les évènements ou le manque de ciment spécial. Dès la fin du conflit, ceux-ci reprirent de plus belle, avec un nouvel objectif : en faire base encore mieux que celle de Toulon, pouvant être prête à supplanter cette dernière, l'Algérie devant servir de replis en cas d'invasion de la France par les troupes de l'URSS. Dès 1947, MEK recevra autant de crédits infrastructure que pour la reconstruction du port militaire de Brest! La base de MEK fut ainsi en grande partie terminée au début des années 50, son état d'avancement étant estimé à 95% en 1960. Elle avait alors coûté 70 milliards de francs, soit le prix de deux porte-avions de la classe Clemenceau, alors en construction, pour un résultat incomplet, car on ne l'avait pas dotée de portes anti-atomiques. Néanmoins, elle conservait un intérêt stratégique croissant (voir plus bas).
La base devait rester propriété française malgré l'indépendance de l'Algérie, pour une durée d'au moins quinze ans, les français devant choisir de rester ou non(3), mais ils partirent dès 1967, laissant cette merveille aux Algériens, le Président De Gaulle, considérant que cette base n'avait plus d'utilité(4), notifia le président Boumédienne (qui avait pris le pouvoir en 1963), que les français allaient partir. Selon un ancien gradé Algérien, c'était un arrangement gagnant-gagnant puis qu'en contrepartie de récuperer cette merveille, les algériens laisseraient les français utiliser encore leurs bases du Sahara pendant quelques temps. On notera au passage, le gaspillage important de ressources puisqu'au final cette base ne sert plus à la France...
Et les navires? Dans un premier temps, ils furent examinés en détails par la commission d'armistice italienne qui voulait des justifications sur le fait que les navires n'aient pas rejoins la métropole. Ensuite, ils ont connus des destins divers...
Ci-dessus, une vue aérienne prise en 1955. Au milieu de la rade de Toulon, le Strasbourg (en bas) et ce qu'il reste de la coque du Dunkerque (en haut). Au dessus de ce dernier se trouve la coque du croiseur Algérie, lui aussi sabordé à Toulon et rendu irrécupérable par des incendies.
Ci-dessus: Toulon, 1957. La démolition du Dunkerque est bien avancée.
Ci-dessous: à Bregaillon, dans la rade de Toulon. La coque arrasée du Commandant Teste le 1er août 1964.
Ci-dessus: Toulon, 1949. Le fond de la coque de la Provence (g) est presque complètement immergé, et à droite celui de la coque du cuirassé Océan (ex Jean-Bart).
Début des années 50: Mers-El-Kébir, département d'Oran. Un officier observe les canons de 340mm retirés de l'épave de la Bretagne en cours de démantellement. Les canons furent découpés en deux afin qu'un commissaire de la Marine puisse faire le procès verbal autorisant le ferraillage (procédure obligatoire pour les canons).
(1)Etant donné ses dommages, notamment à l'appareil propulsif (qui avait été détruit par les français), et les ressources nécessaires pour transformer un cuirassé, très endommagé, en porte-avions de taille réduite.
(2)En 1945, on ne transforme plus les cuirassés en porte-avions. Mais en France le débat fait encore rage pour ce que l'on doit faire du Jean Bart, rentré en France, pour savoir si l'on doit l'envoyer à la casse, le transformer en porte-avions, ou le finir en cuirassé avec des équipements modernes.
(3) De nombreuses sources mentionnent le fait que la France payait un loyer à l'Algérie. Cependant, d'après la réponse à une question posée au gouvernement lors d'une session parlementaire, cette base était bien une propriété française.
(4) Pour comprendre la position du président De Gaulle au sujet de la base de MEK, il faut revenir en arrière pour constater l'évolution du contexte de cette dernière. Au milieu du 19ème siècle, la marine française compte deux grandes bases historiques : Brest et Toulon. Voir des grandes unités ancrées dans leur rade ainsi que des "pompons rouges" déambuler dans les rues des deux villes va devenir une partie du patrimoine des deux cités. Puis la marine française va comprendre, tout comme les pêcheurs depuis des siècles, avec ses propres critères, l'intérêt de la rade de MEK : elle propose un abri naturel et une grande surface d'eau, à mi-chemin entre le sud de la métropole et le détroit de Gibralatar. MEK va être ainsi investi peu à peu par la marine, et va devenir une autre base historique, et les habitants d'Oran vont eux-aussi, prendre l'habitude de voir des pompons rouges. Cependant la comparaison s'arrête là. Car MEK reste une base secondaire, une base de transit. Puis petit à petit, au 20ème siècle, on commence à timidement y développer des infrastructures. Enfin, après le premier conflit mondial, certains, dont l'Amiral Darlan, prennent conscience après la quasi catastrophe de 14-18, de la nécessité de développer l'industrie en Afrique du Nord. Mers-El-Kébir s'inscrit dans ce contexte : elle deviendrait une vraie base moderne, véritable doublon de la base de Toulon, permettant de contrôler l'accès à la Méditérannée et de facilement rejoindre Toulon ou l'Atlantique. Néanmoins, pendant plusieurs années, cette idée restera lettre morte pour différentes raisons, et le plan ne sera mis à exécution qu'à la fin des années 30. La guerre va interrompre ce programme avant que le drame de l'occupation ne rappelle la nécessité de cette base. Les travaux vont reprendre rapidement avec des plans élargis considérablement : base permettant de mettre à l'abri une garnison sous la montagne, centre de commandement, hôpital moderne... et devient "la plus grande station service du monde", carl elle entre en plus dans la stratégie de l'OTAN. La base est quasi-terminée au milieu des années 50, quand la révolution Algérienne commence, et que l'Etat français commence sa phase de modernisation de l'Algérie "civile" avec le plan Constantine. Néanmoins, en quelques années, le contexte va considérablement changer. De Gaulle comprend que la France est devenue un petit pays incapable financièrement d'entretenir à la fois une grande armée comme jadis tout en ayant une force de frappe nucléaire guarante de son indépendance; il va falloir faire des choix. L'armement conventionnel va être considérablement réduit, et les crédits vont partir dans la frappe aérienne, les missiles intercontinentaux tirés depuis la métropole, puis ensuite dans les sous-marins nucléaires. Ainsi, la réduction des effectifs puis le fait que l'arme nucléaire (et les missiles plus globalement) permettent de frapper un ennemi sans être à proximité, menèrent à reconsidérer plein de paramètres. En 1945, on imaginait la base de MEK comme un doublon amélioré de Toulon, servant de replit en cas d'invasion de la métropole. L'arrivée de la dissuasion nucléaire changea alors complètement la donne. La base de MEK, inachevée, coûteuse à construire puis coûteuse à maintenir - pour une flotte réduite - n'avait plus de rôle à jouer dans le plan du président qui, finissant par être agacé par l'attitude algérienne au sujet de la coopération civile, voulait en plus couper tout lien avec l'Algérie au plus tôt. Selon Alain Peyrefitte, De Gaulle lui aurait dit en 1963 que la Méditérranée était "trop petite et allait devenir une souricière", que la flotte devait être basé à Brest pour se diluer dans l'Atlantique, Toulon pouvant garder l'arsenal, que Bizerte c'était "fini" et que Mers-El-Kébir deviendrait "un point d'appuit de la flotte, d'intérêt médiocre" et qu'il accordait plus d'importance aux bases aériennes françaises en Espagne. On suit et on comprend le raisonnement, économique et stratégique du Général. En 1967, c'est ainsi environ 20.000 français civils et militaires qui quittèrent l'ancien département d'Oran dans les semaines qui suivirent le dernier tour de garde de la sentinnelle qui gardait l'entrée de la base à Aïn-El-Turck.
(5) Certaines sources mentionnent 1949-1954, voire d'autres dates. Mais d'après un article du journal Le Monde daté du 17 avril 1952, c'est bien cette année-là que les travaux allaient débuter pour de bon. Néanmoins, il est évident que des travaux préparatifs avaient commencé plusieurs mois plus tôt, notamment à cause de l'importance du travail à réaliser et parce que le chantier avait été soumis à un appel d'offres, daté du 28 novembre 1951. Pour ce qui est de sa date de fin qui varie elle aussi, j'ai lu une lettre du commissaire de la marine à Oran, datée du 26 octobre 1954, qui faisait mention du découpage "en cours", et un article de Wikipédia mentionne sa fin officielle le 21 décembre 1954.