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ALFA : le missile balistique italien

Article posté le 25-05-2014 dans la catégorie Histoire et Technologie

Article mis à jour le : 05-05-2022

L'histoire du programme ALFA : le missile balistique italien

Introduction

Le 28 Novembre 1957 les gouvernements allemands, français et italiens signèrent un accord secret pour mettre en commun leurs recherches concernant un programme nucléaire. Côté français, cet accord est annulé par Charles de Gaulle dès son retour l’année suivante, car il souhaite que la France développe son arsenal de manière indépendante. Côté allemand, on se retire également du projet.

Ainsi au début des années 60, l’Italie se retrouve entourée par des nations qui développent de manière indépendante leur programme d'armes nucléaires, comme la Yougoslavie et la Roumanie ou encore les Suisses qui avaient décidé, le 23 Décembre 1958 d’équiper leurs  forces armées avec des armes atomiques. Seule, l’Italie va donc faire de même pour son programme.

Cependant, devant les coûts faramineux d’un tel projet, et également devant la difficulté d’obtenir certains matériaux, elle va essayer de compter d’abord sur la coopération des Etats-Unis, non pas pour devenir une puissance nucléaire, mais pour pouvoir accéder à ce type d’armes en tant que membre de l’OTAN.

Un survivant de la guerre pour vecteur

Au ralenti voire en suspens, le programme ne se verra relancé que bien plus tard au milieu des années 60. En effet, entre-temps la Marina Militare a converti le croiseur Giuseppe Garibaldi de 1937 en croiseur lance-missiles. Les travaux, réalisés à l’arsenal de La Spezia à partir de 1957, sont achevés en 1961, et en font le premier navire de ce type en Europe.

Durant les aménagements, on a installé 4 puits destinées à contenir et permettre le lancement de missiles balistiques. Les premières simulations sont effectuées en 1961 et un premier lancement de maquette eut lieu le 31 août 1963 dans le golfe de La Spezia. Malgré les succès de ces tests, et espérant profiter de leur participation à l’OTAN, les italiens n’obtiennent pas les missiles POLARIS qu’ils espéraient des Etats-Unis, principalement pour des raisons politiques. Il faut rappeler que l’Italie, au lendemain de la guerre, a été interdite de conception d’arsenal nucléaire. L’interdiction fut levée suite à l’adhésion de la « botte » à l’OTAN, mais une certaine méfiance demeurait encore. Le gouvernement italien décida alors de relancer son programme national.

Le Giuseppe Garibaldi en 1952 (crédit photo : shipbucket)

Le Giuseppe Garibaldi en 1963  (crédit photo : shipbucket)

Le début des recherches

C’est ainsi qu’en décembre 1964, le général Aldo Rossi, demande l’autorisation officielle pour le début de la construction d'une force de dissuasion nucléaire nationale, et ce dans le plus grand secret. Afin de s’encadrer de personnel qualifié, le général Rossi demande son implication au professeur Luigi Broglio. Broglio, ingénieur spécialisé dans les fusées, a été au cœur du programme San Marco, permettant à l’Italie de faire partie des premières nations à mettre en orbite un satellite (1 an avant la France). Le premier, a été lancé avec succès le 15 décembre 1964, depuis la base de Monbasa au Kenya. Comme les suivants, il le fut à partir d’une fusée américaine.

Le premier satellite italien : San Marco 1 (crédit photo : Wikipédia)

Des discussions entre Broglio et Rossi, et compte tenu des capacités économiques du pays, ressort l’idée de concevoir un missile d'une portée de 3000 kilomètres, suffisamment afin de pouvoir frapper partout en Europe et en Afrique du Nord, mais également l’ouest de l’URSS si le missile est tiré depuis un navire stationné dans l’Adriatique. Le plan prévoit la conception de 100 missiles.

Le traité de non-prolifération

A cette époque, le gouvernement américain travaille sur le futur traité de non-prolifération des armes nucléaires et souhaite le faire signer aux membres de l’OTAN ainsi qu’à l’Union Soviétique. Cette dernière fait pression en mettant en suspens son adhésion au traité, à la condition que les pays de l’OTAN le ratifient tous, surtout ses pays proches. Le traité, qui a été signé le 1er Juillet 1968 par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Union soviétique, ne voit pas l'Italie ni ses voisins Suisses et des pays balkaniques le ratifier immédiatement. Le gouvernement suisse a adhéré au Traité en 1969, tandis que celui de Yougoslavie et celui de Roumanie le feront en 1970.

Cependant, malgré la signature du traité, des rapports du renseignement font état du fait que la Yougoslavie continue ses recherches en secret. Sur la base de ces rapports, le gouvernement italien décide de continuer son programme, sur la base d’un missile pouvant être lancé depuis des sous-marins et des grosses unités de surface.

ALFA

Comme souvent pour ce type de programme, plusieurs dizaines d’entreprises nationales ont été impliquées dans sa réalisation.

Les premiers travaux commencent à porter leurs fruits pour la réalisation du missile. Le moteur du premier étage a été testé onze fois au cours d’essais statiques, entre décembre 1973 et janvier 1975, dans un centre d’essais de la marine, situé à La Spezia . Le premier tir d'essai du missile, dont le deuxième étage était inerte, a été réalisé depuis Salto di Quirra en Sardaigne le 8 septembre 1975. D’autres essais auront lieu respectivement le premier et le 23 octobre suivant, puis le 6 avril 1976, tous avec succès.

Lancement d'un missile ALFA (crédit photo : Wikipédia )

Le développement du système d'armes Alfa, dont le coût avoisine les six milliards de lires, est finalement abandonné quand il devient certain que les Yougoslaves mettent un terme à leur programme de recherche. Quant à l’arme atomique elle-même,  c’est sous la pression des États-Unis que l’Italie signe le traité de non-prolifération nucléaire le 2 mai 1975, alors que la Suisse mettait finalement un terme à son programme nucléaire en 1977.

D’après les calculs, le missile Alfa aurait pu emporter une ogive nucléaire d'une tonne sur une distance de 1600 km, suffisante pour frapper Moscou et les principales villes de l’ouest de l’Union Soviétique. Ces travaux n’ont pas été réalisés en vain, puisque l’Italie a ainsi pu grandement contribuer au programme spatial européen.


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